« Nous avons vu que bien que le Vedānta, tel qu’il est exposé par les Upanishad, ne relève pas de la « philosophie » telle qu’on l’entend en Occident, il défend des thèses spécifiques relatives à l’Être, à la Connaissance et aux valeurs. Bien qu’il ne se présente pas comme un système fermé cherchant à convaincre le premier venu de la vérité de ses positions, il propose bien une perspective d’ensemble sur la réalité dans tous ses aspects, une perspective qui se fonde sur l’intuition universelle. Il dispose aussi d’une méthode traditionnelle d’enseignement destinée à l’aspirant honnête qui possède les qualifications nécessaires pour assimiler la vérité. Saisir cette méthode, c’est reconnaitre l’harmonie sous-jacente de tous les enseignements upanishadiques.
Mais quelle est cette méthode, qui, une fois reconnue, transforme le chaos apparent des écritures saintes en cosmos ? Śaṅkara a été apparemment le premier, après Gauḍapāda, à y faire référence dans son commentaire (bhāshya) de la Gītā. On peut inférer du passage suivant que cette méthode était déjà employée avant lui en vue de percer la nature de la Réalité [ultime] :
« On trouve cette maxime célèbre chez les vrais connaisseurs de « l’unique méthode traditionnelle » de l’Advaita Vedānta : « ce qui est au-delà de toute description peut être [paradoxalement] décrit avec précision en utilisant la méthode unique de surimposition délibérée suivie de négation. » »[1]
Surimposition (adhyārōpa) veut dire littéralement superposer une chose sur une autre [et donc] imputer à tort la nature ou les propriétés de l’une sur l’autre. C’est un postulat du Vedānta, qu’en raison d’une tendance naturelle de l’esprit humain, une surimposition sans-commencement, appelée avidyā, nous conduit à considérer la Réalité comme affligée de distinctions multiples. Maintenant, en vue de rééduquer l’esprit pour qu’il voit le Réel tel qu’il est, les Upanishad utilisent de manière uniforme la méthode ci-mentionnée de la surimposition délibérée ou de l’attribution provisoire suivie de négation ou d’abrogation (adhyārōpa-apavāda). »
Extrait de Comment Reconnaître la Méthode du Vedânta, Editions le Refuge du Rishi (2021)
[1] Bhagavad-Gītā-Bhāshya, XIII,13, p.349 dans la trad. d’Alladi Mahadeva Sastry.